Glastonbury part 1 : le salut dans les semelles
23/10/2016Dimanche 4 octobre, 8h55 : le nez collé à l'écran de mon portable, je rafraichis la page de la billetterie de Glastonbury toutes les cinq secondes, attendant fébrilement que la file d'attente virtuelle s'affiche à l'écran.
Deux camarades en font de même de leur côté, une messagerie ouverte dans un coin afin que le premier à entrer puisse prévenir les autres.
Confortés par l'expérience positive de l'édition précédente, on a décidé de remettre le couvert cette année, et ceux qui ont déjà tenté de choper des places par le passé savent à quel point l'obtention du précieux sésame est incertaine.
9h05 : on est tous dans la file d'attente, et le nombre de personnes devant nous est à cinq chiffres.
9h29 : les 135 000 places du festival ont officiellement été vendues, et nous sommes les heureux acheteurs de trois d'entre elles, de justesse : seul l'un d'entre nous est parvenu jusqu'à l'écran de réservation.
L'événement n'a lieu que dans huit mois, et seuls les premiers noms de la programmation ont été dévoilés : ça en dit long sur sa popularité.
Mercredi 22/06
Le réveil à 5h30 pique un peu mais c'est pour la bonne cause : les campings du festival sont rapidement pris d'assaut et il est préférable de partir le plus tôt possible pour éviter de passer des heures dans les bouchons.
La route se passe bien et nous permet à nouveau de constater à quel point Stonehenge est une blague, et nous arrivons sur le site sur les coups de midi, après quelques ralentissements mineurs.
La plupart des campings sont presque vides mais les plus proches du cœur du festival - et donc des scènes - sont déjà bien colonisés. Nous parvenons à nous caler au même niveau que l'année dernière, c'est à dire à deux pas de l'Arcadia, qui est sans aucun doute l'une des scènes les plus classes de Glastonbury (j'y reviendrai).
Je me rends compte en la dépliant qu'un des arceaux de ma tente est pété, mais il semble se maintenir dans le fourreau en tissu, alors je décide de ne pas trop y prêter attention.
Nous constatons également que les jours pluvieux en début de semaine ont laissé des marques : le site n'est déjà plus qu'une gigantesque flaque de boue, mais j'ai eu la bonne idée d'acquérir d'authentiques bottes de chasseur quelques jours plus tôt - le genre de matos que les pros utilisent pour aller taquiner la perdrix dans les bocages.
Il n'y a pas de programmation officielle le mercredi : la plupart des commerces et bars ouvrent en début d'après-midi, mais aucune des scènes officielles n'est en activité. Nous faisons un peu de repérage et prenons notre premier déjeuner, qui pour ma part consistera en des nouilles chinoises aux légumes, dont la délégation est uniquement composée d'oignons (ce qui préfigurera d'ailleurs la qualité de la bouffe, qui globalement allait être décevante).
Nous déambulons le reste de la journée puis nous dirigeons vers les colines qui surplombent le site après une petite sieste. Je n'ai pu y assister l'an passé comme je suis arrivé le jeudi, mais un genre de cérémonie d'ouverture s'y déroule tous les ans, à coups de feux d'artifices et d'embrasement de structures en bois.
Le résultat n'est pas vraiment à la hauteur de l'attente, mais ça reste sympathique.
Nous nous dirigeons ensuite vers Shangri-La en quasi-pilote automatique, car nous savons que nous y trouverons de l'animation. Il y a en effet quelques bars d'ouverts, ayant poussé le volume de la musique : ça danse sur les tables et dans les flaques, l'ambiance est bonne, les gens résolument heureux d'être là.
Jeudi 23/06
J'ouvre les yeux vers 10h sur une première petite gueule de bois, et me rends compte que le tissu de la chambre est anormalement bas et me recouvre partiellement la face. Je fais un pas à l'extérieur et inspecte l'arrière de ma tente : l'arceau cassé a percé le fourreau pendant la nuit et pointe désormais fièrement vers le ciel, comme un majeur tendu vers ma négligence.
Je tente d'imperméabiliser le tout avec du chatterton puis réalise qu'un autre arceau est cassé sur le côté, ce qui entame un peu plus ma sérénité.
Il n'a pas plu de la nuit mais le site est toujours aussi boueux, voire encore moins praticable que la veille après les incessants va-et-vient des premiers festivaliers (va-et-vient est invariable, sachez-le).
J'engloutis un burger à 8£ pour le déjeuner qui, non content d'être honteusement cher, est absolument dégueulasse, et me fait commencer à douter de mon sens de l'orientation culinaire (les stands de bouffe se comptent par centaines à Glastonbury, il faut savoir choisir).
Mon genou gauche qui me gênait un peu en rentrant au campement la veille me fait désormais réellement souffrir, à tel point que je commence à redouter la mise en péril pure et simple de tout mon festival. Le terrain est quasi impraticable et les pieds restent collés au sol à chaque pas, ce qui apparemment m'a bousillé les articulations (et me fait me sentir très vieux, accessoirement).
Je serre les dents et mets ça sur le compte de mon inexpérience des wellies, et pars m'acheter des semelles dans l'espoir d'y remédier.
Comme notre agenda est complètement vide pour le restant de l'après-midi, on décide de se prendre un godet et d'aller chiller sous la tente cinéma où Kung Fu Panda 3 est en train d'être projeté.
On va pas se mentir, on a légèrement fait grimper la moyenne d'âge de l'audience mais le film est vraiment sympa, je recommande.
Cette petite pause aura également permis de soulager un peu mon genou qui me fait moins mal, les semelles y étant définitivement pour quelque chose. Nous poursuivons l'exploration du site et traversons des zones dont j'ignorais complètement l'existence (et que je serais bien incapable de nommer), et refaisons un crochet par Shangri-La qui vaut également un petit coup d'œil de jour.
Quand la police fait du merchandising
Street art, spiritualité, sculptures, bio-artisanat, cirque, performances artistiques en tout genre... il y en a vraiment pour tous les goûts et l'exploration aléatoire est fortement recommandée.
C'est définitivement l'une des forces du festival et une bonne raison d'arriver dès le mercredi : il ne s'agit pas que de musique mais d'art au sens large, et il faut du temps pour en profiter. Il n'y a par ailleurs pas de billets-journée : chaque ticket est valable pour toute la durée du festival, alors autant chausser ses bottes dès le premier jour.
Nous revenons vers The Park et décidons de faire la queue pour la Ribbon Tower, une tour couverte de rubans (ce que les plus bilingues d'entre vous n'auront pas manqué de deviner).
On patientera pendant plus d'une heure au total et je vais immédiatement mettre fin à tout suspense inutile : oui, la vue est sympa, mais non, ça ne vaut vraiment pas le coup d'attendre si longtemps, surtout que le panorama est au moins aussi saisissant depuis les collines à 100 mètres de là.
Passez votre chemin.
Les collines sont d'ailleurs notre prochaine destination, principalement pour l'incontournable photo devant le panneau Glastonbury, façon Mont Lee :
La nuit tombe gentiment et il est temps d'aller voir la première artiste de ma sélection : Kate Tempest. La jeune britannique est entre autres poète et dramaturge, et monte sur scène ce soir pour du spoken word, un style se situant entre poésie, slam et hip-hop. Elle se produit au Rum Shack, un bar/scène à l'extrémité est du site, qui déborde déjà de monde une demie-heure avant la représentation. Le Rum Shack n'étant pas une scène ouverte, on n'entend strictement rien et nous lâchons rapidement l'affaire.
C'est un peu le souci de la journée du jeudi : il n'y a que quelques artistes à se produire (la première grosse journée étant le vendredi) et ils sont pris d'assaut par des festivaliers impatients de rentrer dans le vif du sujet.
Voici tout de même le clip de The Beigeness, où l'on peut notamment apercevoir Adeel Akhtar de la fantastique série Utopia.
On rebrousse chemin après avoir englouti un burrito pas-mal-mais-peut-mieux-faire et traversons Block 9, une autre zone du festival sur laquelle j'avais complètement fait l'impasse l'an dernier.
Ambiance teuf tech avec un son plutôt bon et les décors assez fous, avec notamment une rame de métro encastrée dans un bâtiment abritant un club electro.
On ne fait que passer, mais je me promets d'y refaire un tour plus tard (ce qui n'arrivera jamais).
On décide de se rendre à The Blues, une des scènes de la zone Silver Hayes, composée d'un amas de taule et de bric-à-brac façon bidonville, et en chemin notre oreille est attirée par la Greenpeace Stage où sont en train de se produire les Vaults, qui proposent un genre de synth pop très accessible, honnêtement plus sympa en live qu'en enregistrement studio.
Nous restons pour les deux derniers morceaux.
On pousse ensuite jusqu'à The Blues qui est ultra blindée (impossible de dire qui y jouait), alors qu'une énorme silent disco party est en train de se dérouler sous la tente d'en face, la Sonic Stage. Ça a l'air franchement trippant, mais on nous annonce plus d'une heure de queue lorsque l'on s'enquiert de la procuration de casques.
Tant pis.
C'est probablement là la limite de la déambulation aléatoire : un minimum de planification reste à prévoir au risque de passer à côté de trucs cool.
Je jette d'ailleurs un œil à ma sélection, et remarque que Club de Fromage est en train de se produire sous la tente William's Green. Je n'ai jamais été à l'une de leurs soirées londoniennes, qui a priori s'adresse plutôt aux étudiants, mais je sais grossomodo qu'il s'agit de mecs qui trippent sur scène tout en diffusant des tubes plus cheesy les uns que les autres (et je crois que je viens tout juste de comprendre le nom Club de Fromage).
Cette description s'avèrera tout à fait correcte, puisque des gens déguisés dansent sur scène alors que résonnent à pleine balle de gros titres issus de la variété anglo-saxonne, plus ou moins l'équivalent d'un Michel Sardou ou d'un Plastic Bertrand du côté de l'hexagone.
L'ambiance y est fort sympathique et on choisit d'y passer le reste de la soirée.
Glastonbury part 2 : a strange hangover