Gaspésie, 3ème partie : Penn-ar-Bed
14/02/2021⏮ Gaspésie, 2ème partie : monts et merveilles
Vendredi 12 juillet 2019
Une pluie fine tombe discrètement sur le secteur nord du camping Cap-Bon-Ami, comme soucieuse de ne pas brusquer les campeurs qui émergent tranquillement de leurs tentes. L'eau s'accumule dans les plis des toiles, formant de petites flaques qui grossissent lentement jusqu'à ce qu'elles rompent et relâchent le trop-plein sous forme de vagues qui déferlent le long de la paroi et s'écrasent sur des touffes d'herbe en contrebas, comme autant de micro-cataclysmes qui se succèdent dans l'indifférence générale.
La famille de l'emplacement voisin est visiblement rompue à l'exercice des matins pluvieux : déjà rassemblée autour de la table de pique-nique, elle prend son petit-déjeuner à l'abri sous une tonnelle dont les parois font office de moustiquaire, et dont les dimensions sont parfaitement adaptées au mobilier extérieur présent sur chacune des parcelles.
Pour accommoder les campeurs un peu moins équipés dont nous faisons partie, un grand chalet est à disposition à proximité du bloc sanitaire, avec des tables, des éviers et un poêle à bois ayant attiré quelques paires de bottes et de chaussettes humides.
Après y avoir pris notre petit-déjeuner, nous nous préparons en vitesse pour nous rendre au Mont Saint-Alban en profitant d'une éclaircie. Nous suivons un sentier où se sont succédées des générations de pêcheurs, qui constituaient la majeure partie de la population locale jusqu'au début du siècle ; l'activité de pêche imprègne tellement les lieux que le Cap-Bon-Ami voisin, auquel le camping emprunte son nom, est lui-même nommé d'après un marchand de morue Guernesiais du 18e siècle.
Le cap est entouré d'imposantes falaises qui surplombent le Golfe-du-Saint-Laurent et qui marquent la fin de la grande chaine des Appalaches.
La randonnée du Mont Saint-Alban forme une boucle d'une dizaine de kilomètres dont le point culminant est une tour d'observation d'où l'on peut apprécier les contours maritimes du parc.
Après l'ascension, nous sortons momentanément de la forêt pour déboucher sur Petit-Gaspé Plage, puis regagnons les bois pour compléter la boucle.
Nous avançons en silence et tendons l'oreille dans l'espoir de repérer un orignal, réputé présent en abondance dans le secteur. Le grand ovidé ne se montrera finalement pas, mais un autre représentant de la faune locale fera une apparition à sa place, bien plus inattendue :
Autant vous dire que l'on s'est fait tout petit.
Samedi 13 juillet 2019
Nous émergeons de la tente alors qu'une épaisse couche de brume surplombe le campement, comme si un coup de gomme rageur avait effacé le fusain du monde à dix mètres du sol. Les conditions sont loin d'être optimales, mais la météo prévoit que ce début de journée sera le seul sans pluie, et que les jours suivants seront bien pires : il semble donc que nous n'ayons d'autre choix que de faire la randonnée du bout du monde ce matin.
Derrière ce nom un tantinet dramatique se cache simplement l'extrémité est de la Gaspésie, que l'on apercevait clairement la veille depuis la tour d'observation :
La randonnée nous fait passer par Grande-Grave, une sorte de village pêcheur témoin où certains bâtiments du 19e siècle ont été conservés tels quels, comme un magasin général faisant désormais office de petit musée.
Nous continuons vers l'est sur un sentier qui alterne entre segments côtiers et crochets en forêt, pour finalement déboucher sur Cap-Gaspé et son petit phare, alimenté à l'énergie solaire depuis 1983.
De là, un petit chemin descend directement sur un belvédère accroché à la falaise, marqueur officiel du bout du monde et offrant habituellement un point de vue imprenable sur la mer.
Dimanche 14 juillet 2019
La météo étant aussi horrible que prévu, nous décidons de nous rendre à Gaspé, une petite ville côtière au sud du parc Forillon qui abrite notamment le musée de la Gaspésie, dont la visite nous semble soudainement particulièrement judicieuse.
On y redécouvre notamment que Jacques Cartier est le premier explorateur européen à y avoir mouillé l'ancre au 16e siècle, après avoir mis les voiles depuis Saint-Malo. La présence européenne s'y est ensuite développée, à commencer par des communautés de pêcheurs normands, bretons et basques, alors que le peuple Micmac est principalement présent sur le territoire (« Gaspé » vient de « Gespeg », qui signifie « bout de la terre » en micmac).
Les colons sont ensuite remplacés par les anglais après la conquête de 1760, puis les canadiens français reviennent peu à peu s'installer dans la région à partir de 1820.
Le musée est assez complet et bien organisé, et s'efforce d'être moderne avec des petites touches technologiques plutôt bien faites.
Nous en sortons au moment d'une éclaircie qui nous permet de rejoindre le centre à pied, en passant par la Promenade Jacques-Cartier.
L'accalmie sera de courte durée cependant : un orage éclate, nous poussant à nous réfugier dans un café de la marina où nous passerons le reste de l'après-midi.
Nous reprenons la route en fin de journée et prenons en stop une mère et son fils, la première rendant visite au second, un français installé à Gaspé depuis quelque temps. Au détour de la conversation, nous découvrons que tous les deux sont originaires d'un endroit qui m'est particulièrement familier, puisqu'il s'agit d'un autre bout du monde situé à quelques brasses de là où je suis né : la presqu'île de Crozon.
Puisqu'on vous dit que le monde est petit.
Infos pratiques
Une fois n'est pas coutume, le parc Forillon n'est pas un parc SEPAQ. Rendez-vous sur le site pour les modalités d'accès.
À Gaspé, nous avons petit-déjeuné au Café des Artistes, endroit tout à fait charmant servant du café de qualité ainsi que des sablés bretons. Forcément.
Nous avons ensuite déjeuné au Brise-Bise.
Le site du musée de la Gaspésie, dont je recommande la visite. Le genre d'endroit dont fait facilement le tour sans en ressortir assommé.
La page Facebook du Bar de la Marina, tenu par un français qui parle anglais avec un accent écossais. Faites de cette information ce que vous voudrez.