Jay-Jay Johanson au Islington (10/11/16)
27/11/2016Quand on me demande ce qui me plait à Londres, je réponds souvent que l'un des aspects qui me séduisent le plus est la richesse de sa scène musicale - locale d'une part, mais aussi et surtout internationale.
Il y en a en effet pour tous les goûts et toutes les bourses, dans une variété exceptionnelle de lieux et il n'est pas rare d'y voir d'excellents artistes pour une bouchée de pain, et bien souvent dans un contexte intimiste.
Même s'il tourne à présent depuis plus de trente ans, Jay-Jay Johanson rentre désormais dans cette catégorie, puisque j'ai pu le voir au Islington, un petit pub de Angel dont la salle de concert peut tout juste accueillir une centaine de personnes, pour la modique somme de £8.
Soit l'équivalent de deux pintes.
Le suédois a en effet pas moins de dix albums à son actif et, s'il a connu un certain succès en France avec ses deuxième et troisième opus, il semble qu'il soit resté quelque peu confidentiel de ce côté du Channel.
Ça expliquerait en tout cas pourquoi il ne joue pas à guichet fermé ce soir, des places étant toujours vendues cinq minutes avant le concert, au niveau du petit pupitre près du rideau entrouvert permettant d'apercevoir la scène.
La première partie est en train de s'y affairer, réglant la hauteur du micro après avoir accordé une dernière fois sa guitare. Elle s'appelle Sasha, est une auteure interprète folk et n'est absolument pas à l'aise.
La jeune chanteuse se sent en effet obligée de meubler entre chaque morceau sans trop savoir quoi dire, en a conscience et finit par s'embarquer toute seule dans une spirale de confusion et de stress, communiquant sa nervosité au public qui échange quelques regards un peu gênés.
Il demeure qu'elle a une jolie voix et, si sa musique n'offre rien de particulièrement nouveau, ça reste agréable à écouter (il va juste falloir se mettre à l'alcool et/ou à la coke pour détendre un peu tout ça).
La salle peine à se remplir et il y a toujours pas mal d'espace lorsque Johanson fait son entrée, ce qui quelque part continue de me surprendre : je me souviens en effet de voir le clip de Keep It A Secret sur MCM il y a une quinzaine d'années, élevant de facto l'homme au rang de star internationale dans mon imaginaire d'adolescent, et le demeurant au cours des années qui suivirent.
Pourtant pas tellement ma came à l'époque (je commençais tout juste à succomber aux sirènes du nu metal), le trip hop jazzy du suédois m'avait immédiatement interpelé. Son univers singulier y est probablement pour quelque chose, car tout est effectivement atypique chez Jay-Jay Johanson : sa voix aigüe mais suave ; sa silhouette, frêle et crochue ; son style androgyne, contrastant avec une attitude et des textes de crooner, empreints de mélancolie et de séduction.
Le tout forme un mélange assez improbable, qui malgré tout a ce quelque chose d'inexplicablement envoûtant.
Malgré la sortie relativement récente de Opium, son dernier album, son set prend des allures de best of, empruntant ses titres à l'intégralité de sa discographie et faisant le bonheur d'un public dont une grande partie est de toute évidence composée de fans de la première heure.
Sans nécessairement pouvoir m'en réclamer, je ressens cette délicieuse impression de faire partie d'un petit cercle d'initiés, cette sensation un peu snob de pouvoir encore apprécier un artiste sans qu'il fût jamais totalement souillé par les mains grasses du mainstream, et ce malgré une carrière à la longévité impressionnante.
(Bon ok, complètement snob.)
Je vous laisse avec Drowsy / Too Young To Say Good Night, premier morceau de Opium, sorti en juin 2015.